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Bernard Point
Sept. 2014

D'incidence en Incidence

Ainsi je m'offre le plaisir d'imaginer la mise en espace des oeuvres de MARIE LEPETIT après l'avoir présentée au comité de sélection.  La thématique de l'année étant "les toiles", il me semble évident et fascinant d'ouvrir la saison sans incidences!

A mon arrivée dans la première salle, je suppose être happé par "D'INCIDENCES EN INCIDENCES" qui envahit le mur du fond. Mon regard traverse immédiatement l'espace pour se perdre sur cette grande toile devenant cartographie étoilée d'un univers qui survient monumentalement pour flamber l'espace. Grâce aux croisements multiples entre flaques d'acrylique et tracés pointillistes de la mine de plomb, je peux naviguer dans ce monde, tout en le pénétrant. C'est ainsi que ces alignements tremblotants peuvent aussi introduire dans cet incendie, de multiples picotements sournois et fraîchement bleuis. Quelques incidents, selon des circonstances imaginaires, peuvent me poser sur un point d'ancrage en me faisant tournoyer autour, sans pour autant perdre l'équilibre. Paradoxalement ces rencontres de lignes impeccables avec ces surfaces troublantes, introduisent des circonstances impromptues à partir de ces points d'incidence.

Encore une fois je me projette dans cet espace en imaginant des "Pozzuoli" qui verticalement répondent à cette grande toile horizontale. Maintenant l'acrylique imprègne le papier/support en jouant à se fondre avec le fusain vaporeux. Ce sont des oeuvres dont l'ambiguité monochrome à dominante chaude, associent paradoxalement encore le nuagisme fondant au geste transversal et linéaire, afin de vibrer poétiquement dans l'espace. Oeuvres à parcourir, tout en m'incitant à les pénétrer pour investir ces rectangles intimistes, qui offrent néanmoins des ouvertures vers l'infini. Encore une fois un paradoxe... dedans/dehors, m'associe profondément à ces surfaces d'incidence.

Très marqué par cet itinéraire céleste, je franchis la porte de la deuxième salle pour me rouler au sein de nouvelles contemplations. Mon angle de réflexion dépend maintenant de l'incidence de ce papier, roulé sans fin lisible, qui posé au sol s'échappe de ce cylindre pour s'envoler dans l'espace. Détaché du mur, suspendu, ce souple support se développe sur plusieurs mètres. C'est un phénomène d'onde qui me place devant, derrière, dessous; dessus, et contribue  à une véritable appartenance du regardeur au regardé. D'ailleurs le fusain se laisse écraser pour signifier l'ombre d'un doute, tout en esquissant de grandes ogives qui aussi se dressent en suggérant le mystère du bâti médiéval. Entre légèreté du support, grisaille du matériau graphique, et évocation monumentale d'une architecture, je peux merveilleusement douter de la solidité du construit. Une fois de plus la poétique de l'oeuvre marque magiquement cette deuxième salle. Pourtant deux fenêtres sur cour apportent une ouverture lumineuse, mais l'artiste en obstrue l'une en y plaquant "Métamorphosis 1"  qui par son support bois, renforce cette intimité méditative. Par la mixité de la technique plastique, je peux rêver en m'envolant dans l'angle supérieur, coloré de ciel. Ce bleu renaissant est pourtant barré par de fines coulures de peinture claire qui se croisent avec l'horizontalité rose de chutes qui font basculer cette peinture pour me situer au coeur d'une étendue aérienne. Tout le reste est alors un tournoiement de lignes, qui après s'être lancées sur le support, commence à virer, puis à littéralement tourner en rond, comme par volonté de fermer définitivement ce souvenir du ciel. D'INCIDENCES EN INCIDENCES, titre général de l'expo, se retrouve ainsi dans cette salle où je me permets d'ouvrir ou de fermer mes fantasmes de découverte, afin d'aller jusqu'au bout de mon parcours.

Dans une relative douceur, la fenêtre obstruée me place à côté de la porte ouvrant sur la troisième salle. Pas d'incident de frontière mais une véritable aventure qui m'entraîne devant l'alignement de rouleaux de papier, selon une courbe qui arrondit cette pièce en me plaçant à l'intérieur d'une imaginaire abside. La mine de plomb, l'encre de chine, noircissent le support qui néanmoins s'ouvre à la lumière par la multitude de trouées minuscules, qui la laissent transparaître en provenance des deux fenêtres... suis-je au coeur d'une crypte romane? Par le tracé du stylet, l'artiste ouvre de multiples points lumineux formant des constellations de lumière mystique. Je passe d'un panneau à l'autre, sans oublier la virginité des rouleaux placés à mes pieds qui symbolisent la continuité de l'oeuvre à venir, tout en évoquant le déroulement d'une pensée en communion avec cet avenir. En levant les yeux je suis entraîné par des rosaces qui s'emboîtent en multipliant avec délire des gesticulations de circonférences qui croisent paradoxalement (toujours) leurs parallélisme, afin de me faire entrer dans la magie d'un tourbillonnement que MARIE LEPETIT conclue avec une force irradiante, par cette mise en espace remarquable D'INCIDENCES EN INCIDENCES.